Extrait de la nouvelle Lettre du Forum n° 10 d'août 2008:
EDITORIAL
Bonjour, voilà quatre ans que vous n'avez pas reçus cette Lettre du Forum Plutonium. Dans le n°9 j'y écrivais : " le maintien du potentiel nucléaire français et de la production du plutonium relèvent plus du commerce des armes que du choix énergétique ". Ce courrier des lecteurs que je viens d'envoyer à Politis, montre que ma conviction s'est renforcée en quatre ans. L'entêtement nucléaire.
Le dossier de Politis paru le 10 juillet et intitulé "l'illusion nucléaire" se conclut par cette phrase de Patrick Piro :
"l'entêtement nucléaire est d'abord une question politique".
Alors que nous travaillons au Réseau Sortir du Nucléaire à la rédaction d'une plaquette sur le plutonium et le retraitement, nous nous demandons la raison de l'entêtement du lobby nucléaire a retraité le combustible. Le prétexte officiel est de réduire le volume des déchets (ce qui est faux), mais tout le monde sait qu'il s'agit d'extraire les 1 % de plutonium contenu, exclusivement, dans le combustible après utilisation dans les réacteurs nucléaires. Devant les difficultés et l'échec économique de la filière du plutonium, nous n'avons trouvé, comme justificatif, que l'argument de la stratégie militaire. Le plutonium disponible seulement dans le combustible usé, est indispensable au maintien de la force de dissuasion nucléaire. Les quelques 250 têtes nucléaires installées sur les avions Mirages et les sous-marins nucléaires contiennent environ six kilos de plutonium chacune soit au total 1,5 tonnes. En cas de guerre nucléaire, il faut pouvoir renouveler ce stock. Or EDF donne, par an, 850 tonnes de combustible à retraiter à La Hague pour en extraire 8,5 tonnes de plutonium. Cela justifie le maintien à tout prix de la disponibilité des usines de La Hague et, qui plus est, du fonctionnement et du renouvellement des 58 réacteurs d'EDF. Ce choix stratégique du gouvernement français justifie l'installation du retraitement en un lieu facile à protéger comme le Nord Cotentin est aussi la concentration des lieux de production du combustible usé contenant le plutonium dans seulement 18 sites en France. C'est ainsi qu'EDF contribue à la valorisation de la force de frappe nucléaire que le président Sarkozy propose actuellement à l'Europe. Patrick Piro a raison, le " renouveau " du nucléaire évoqué par ses promoteurs n'est qu'une illusion, mais il permet de justifier le maintien en fonctionnement des réacteurs vieillissants et la construction de nouveaux EPR. Les Français se laisseront-ils encore longtemps bercés par ces illusions ?
LES INCIDENTS AUTOUR DU TRICASTIN
Suite à une grosse fuite d'uranium dans les locaux de Socatri, l'actualité médiatique de juillet 2008 a tourné autour du nucléaire. Le Conseil Général de la Drôme y a contribué en convoquant une réunion extraordinaire de la CLI du Tricastin le 18 juillet. J'y ai donc protesté officiellement contre le classement par l' ASN de " l'incident " de Socatri au niveau 1 de l'échelle INES de gravité. Puisqu'il a été constaté la pollution par l'uranium de plusieurs nappes phréatiques aux alentours du site nucléaire, ni les niveaux 0, 1 et 2 n'envisageant de conséquences à l'extérieur du site, cet "incident grave" est de niveau 3 qui évoque " un très faible rejet : exposition du public représentant une fraction des limites prescrites ". Lors de ma participation au CSSIN, nous avons longuement discuté de l'application
de cette échelle INES aux transports des matières radioactives. Le 25 juillet 2008, un communiqué de l'AFP revient sur les récents incidents classés niveau 1 dans les centrales nucléaires. Le 25 juin à Cruas, le 4 juillet à Fessenheim, le 13 juillet à Nogent-sur-Marne, à 120 km de Paris. Il faut ajouter la contamination de 15 intérimaires à la centrale de St Alban le 18 juillet et un dépassement des limites autorisées de rejet de carbone 14, toujours à Socatri. L'accumulation révèlée de ces incidents montre la fragilité des installations nucléaires françaises sophistiquées et vétustes. Ces événements de juillet en Tricastin ont permis une prise de conscience dans la presse et par les riverains du risque nucléaire. La radioactivité détruit les êtres vivants non seulement par irradiations mais aussi par contamination. Le risque ne touche pas seulement les hommes, mais aussi leurs activités économiques et leurs biens (maraîchage, vin et immobilier). Deux députés, Thierry Mariani pour la Majorité dans la Drôme et Pascal Terrasse pour l'Opposition en Ardèche, ont déposé une demande d'enquête parlementaire sur l'incident du Tricastin.
LE VIEILLISSEMENT DES REACTEURS
Les 54 réacteurs construits en France entre 1977 et 1983 ont aujourd'hui plus de 30 ans. Ils ont été construits pour durer 25 ans(1) et non pas 40, comme l'affirme EDF. Les technologies et les matériaux utilisés sont ceux des années 60. Pour les faire durer 40 ans, EDF change tous les éléments qui peuvent l'être, à l'exception de la cuve du réacteur et de l'enceinte en béton qui l'entoure. Cette cuve en acier de 20 cm d'épaisseur contient de l'eau liquide à 300° C sous une pression de 155 bars. Dans cette eau baigne le combustible nucléaire qui produit le flux de neutrons qui la réchauffe. Sous ce flux pendant 30 ans, le métal de la cuve s'est transformé, il est passé de l'état ductile(élastique) à l'état fragile(cassant). Des éprouvettes de métal ont été placées dans le réacteur avant sa fermeture. Les mesures faites sur elles à chaque ouverture de la cuve ont montré que de -22°C, la température de ce changement d'état est passée à +60 sous le flux des neutrons. Aussi EDF ne descend-il plus la température de l'eau en dessous de 80°C, quand il change le combustible. Des fissures ont été constatées dans le métal de la cuve à Tricastin, Fessenheim, Gravelines, St Laurent-des-Eaux. Depuis quelques années les résultats des mesures faites sur les éprouvettes sont tenus confidentiels. L'état des fissures serait stabilisé (?).
D'autre part, certaines enceintes en béton qui l'entourent le réacteur ont été réalisées avec du ciment de mauvaise qualité, comme récemment pour les fondations de l'EPR de Flamanville. On les a tapissés à l'intérieur avec un revêtement en résine. La cuve et l'enceinte de confinement sont les deux éléments que l'on ne peut pas changer, donc leur durée fixe la date de fermeture du réacteur. Les riverains de la centrale de Fessenheim demandent en justice la fermeture des deux réacteurs les plus vieux du
(1) lire Menace sur le vivant, la filière nucléaire du plutonium par J.P.Morichaud aux éditions Yves Michel, 5 allée du Torrent- 05000 GAP, tél :0492655224, nouvelle édition revue en octobre 2008.
parc. Lors de la canicule de 2003, les pompiers ont dû arroser l'enceinte du réacteur pour éviter un réchauffement trop intense à l'intérieur. Le 11 juin 2004, EDF a obtenu l'autorisation de rejeter dans le Rhône de l'eau à plus de 27°C en cas de besoin. Il faut savoir que 14 réacteurs nucléaires sont refroidis par le Rhône. Le 22 juillet 2006 EDF a constaté ainsi une température de 26,1 °C en amont de la centrale de Tricastin.
( le texte complet vous sera envoyé sur demande)
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